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REHABILITATION DE JEAN JACQUES DESSALINES

« Vérités historiques » et choix idéologiques

12/08/23

Introduction :

La pièce de théâtre « Galilée » du dramaturge allemand Bertolt Brecht revient sur la triste période où les représentants de l’Église catholique romaine ont forcé l’astronome Galilée Galilei à renier sa découverte qu’en effet, c’est la terre qui tourne autour du soleil et non l’inverse.

La découverte de Galilée menaçait les fondations de la société et de l’économie féodales, qui étaient basées notamment sur la production agricole (le travail de la terre) et le servage. Les découvertes scientifiques ne pouvaient qu’être profitables à une bourgeoisie montante avec le commerce et l’exploration au cœur de son développement, ce qui, du coup, constituait une menace pour le système féodal.

La persécution de Galilée qui s’est ensuivie par l’establishment de l’époque n’avait pas d’abord à voir avec les croyances religieuses des masses. Elle cachait plutôt les intérêts des tenants et bénéficiaires d’une société féodale exploitante, où les masses étaient portées à croire que leur misère, leur rang social et leurs souffrances étaient prédestinés et résultaient d’un ordre divin. Il fallait alors censurer toute voix discordante, détruire et discréditer le messager, bannir ce qui est vrai, la science. Bref, abattre la vérité !

La profanation continue de la mémoire de Jean Jacques Dessalines, plus de 200 ans après son assassinat, n’a rien à voir avec la restitution de vérités historiques. Cette persécution cache les intérêts qu’auraient des membres des élites et une partie de la communauté internationale à déconstruire Ayiti. Mais, pour ce faire, il faut minimiser la grandeur de l’homme qui a libéré notre planète de l’esclavage ; celui qui a ouvert une ère nouvelle pour l’humanité et la nation qu’il a créée : Ayiti.

Dans la pièce « Galilée », il ne fallait pas seulement que l’église et les élites surveillent et emprisonnent Galilée pour que la vérité ne soit pas connue des masses populaires, il leur fallait surtout une armée d’apôtres de la « bonne Nouvelle », pour renforcer l’ignorance des masses sur les constellations et les conforter dans la résignation à leur sort de misère, comme conséquence de l’ordre divin auquel ils étaient astreints, eux et leurs descendants.

Par contre, en Haïti, malgré les efforts des frères de l’instruction chrétienne, l’histoire du pays est bien connue des masses. Leurs héros ne peuvent être mis en prison. Même morts, ils sont encore vivants dans les esprits, leur religion les ayant libérés. Alors, pour mener le travail de sabotage, c’est l’histoire même qu’il faut déconstruire. Ce sont les héros qu’il faut vilipender, abattre et effacer, post mortem. Et comme dans cette pièce de théâtre, il leur faut une petite armée, un petit groupe d’intellectuels formant une petite société d’admiration mutuelle, au service de l’occident : se donnant parfois des titres d’historiens ou de romanciers, ils disent, se contredisent et écrivent ce qu’ils veulent. Ce sont des experts en tout et en rien.

Ils se citent mutuellement dans leurs écrits pour se crédibiliser. Leur père spirituel est Thomas Madiou, un blanc de service né en Haïti en 1814, parti étudier en France à 10 ans et revenu au pays dans les années 1830. Il produit un travail colossal, partageant ses interprétions, biaisées bien sûr, de l’histoire d’Haïti. Ils ne citeront jamais Boisrond Tonnerre, premier historien haïtien et témoin oculaire, ni Baron de Vastey ni même Louis-Joseph Janvier. Exceptionnellement, ils peuvent faire référence aux écrits et discours de Dessalines lui-même, mais ils préfèrent mettre en avant les interprétations de leur confrérie. Quand ils citent Rolf Trouillot ou Jean Casimir, ils ne font pas référence au fond de leur travail dans « Ti dife boule sou istwa Ayiti », « Les racines historiques de l’État duvaliérien » ou « Une histoire de la décolonisation », mais à des passages, sans donner de contexte. Quant au Pasteur Jacques Casimir, qui a produit de nombreuses recherches et analyses, connues mais non publiées sur l’histoire d’Haïti, sur Dessalines et les origines des familles mulâtres et arabes en Haïti ; ils peinent à ne pas pouvoir carrément le censurer, à défaut de l’ignorer. Bayina Belo et Bilolo Congo sont royalement ignorés comme s’ils n’avaient pas de véritable crédibilité ou n’existaient pas. Quand ils les citent, c’est en parasitant les propos et analyses de ces chercheurs, pour y placer leur propre contenu.

Le comble de leur incurie est qu’ils ont tous le même narratif qu’ils présentent sans se gêner, avec le seul mobile de défaire l’histoire d’Haïti aux bénéfices des élites économiques et de leurs patrons étrangers, particulièrement la France.

Malheur aux contrevenants, qui seront accusés de fascisme, de duvaliérisme, de noirisme, de racisme, de haine et pire encore.

Ils sont peu nombreux, mais bruyants. Auprès de leurs alliés occidentaux, ils se convertissent en délateurs. Ils se croient invincibles et tout permis. Tellement fidèles à leurs maîtres étrangers qu’ils font frémir les esclaves de maison.

Mais aujourd'hui, prenons le temps de quelques pages, pour leur dire : La terre tourne et Dessalines est immortel !

Comment effacer la mémoire d’un peuple :

Cheikh Anta Diop, nous apprend qu’une des premières étapes à « l’effacement d’un peuple est de lui faire renier son histoire, de lui faire croire qu’il n’a jamais rien accompli, qu’il est incapable, et que sa culture n’est que folklore, sa religion de la sorcellerie, sa langue un dialecte. » Cette stratégie de domination coloniale a été mise en application en Haïti, dès le lendemain de l’assassinat de l’Empereur en octobre 1806. Une nouvelle constitution ainsi qu’une loi agraire ont été publiées dans les trois mois qui suivirent, le drapeau a été remplacé, les anciens tenants du pouvoir de l’État ont été emprisonnés et exécutés : Haïti venait de connaitre son premier coup d’état.

En 1806, un autre pays, un autre État avait pris naissance. Un État qui différait de celui qui avait vu le jour le 1er janvier 1804, de celui qui était devenu, en septembre 1805, un pays, un empire, avec une constitution.

Pour achever le processus d’effacement tel que théorisé par Diop, le pouvoir politique, issu du coup d’État d’octobre1806, va adopter une religion officielle, différente de celle des masses et qui avait cautionné l’esclavage. Plus tard, il adoptera une langue officielle qui n’était pas la leur non plus, distribuera des terres aux putschistes et nouveaux nantis et finalement, confiera l’éducation, pour ceux qui y avaient accès, aux anciens colonisateurs. La réalité est qu’une alliance s’était formée entre les anciens esclavagistes et les putschistes, au détriment du pays et du peuple. Cette alliance entre le pouvoir et les esclavagistes s’est solidifiée par deux actes supplémentaires :

1) Pendant plus de quarante ans, l’interdiction, sous peine d’emprisonnement, de prononcer le nom de Dessalines, celui qui avait libéré l’humanité de l’esclavage et créé la nation haïtienne ;

2) Un accord inique, acceptant le paiement d’un dédommagement aux esclavagistes, à titre de réparation et pardon, pour les avoir battus et chassés.

Voilà comment on tente de tuer un peuple et d’effacer son histoire.

Ah, j’ai failli oublier de relever quelques faits historiques : sans vouloir faire de fausse équivalence, le pouvoir qui a persécuté les Juifs était allemand, son chef était Hitler ; le pouvoir qui a trahi la révolution haïtienne était mulâtre, et son chef était Pétion.

Hitler avait des « collabos » juifs, Pétion avait des complices noirs.

Les étapes de la déconstruction ?

Le choix idéologique de certains intellectuels haïtiens est le corollaire de la suprématie blanche à outrance et du mulâtrisme, par association. Ils veulent juger les héros qui nous ont libérés de l’esclavage, selon les préjugés et les préceptes de la « démocratie occidentale » ; principes que les Occidentaux eux-mêmes n’ont pas respectés envers les peuples qu’ils ont colonisés, asservis et massacrés pendant plus de 300 ans. Ils discréditent ceux qui se sont opposés à leur domination, sous le fallacieux prétexte qu’ils n’étaient pas parfaits, faisant ce que les Américains appellent le « Monday morning quaterback ». Il faut peut-être ne pas se considérer comme des descendants d’esclaves, pour avoir autant de mal à tout simplement dire « merci Papa Dessalines » ?

Ce choix idéologique et cette stratégie de nous défaire de notre histoire sont mortels pour nous Haïtiens, alors même qu’Haïti est le seul pays de noirs et d’anciens esclaves à avoir démenti la suprématie des blancs. Les puissances occidentales colonialistes se sont associées et attelées à détruire la réputation du pays et de ses héros aux lendemains même de l’indépendance. Ainsi, pour déconstruire notre image, notre aura et banaliser nos accomplissements, il fallait créer un narratif anti-haïtien, anti-noir, anti-1804, mais surtout anti-Dessalines, celui-là même qui symbolise notre histoire et nos prouesses.

Comment comprendre qu’Ayiti, ayant pris naissance dans la continuité d’une révolution, avec la constitution impériale de Dessalines de 1805, soit connu sous le label de première république noire? La couleur noire associée à la république pourrait bien donner le change, mais le choix de république laisse croire en même temps que le pays n’aurait vu le jour qu’après le coup d’État de Pétion. Sous le couvert de rétablir la « vérité historique », nos « grands » intellectuels oublient la chronologie de l’histoire. En effet, la nation haïtienne créée en 1804 n’est devenue une république qu’après le coup d’État de Pétion. Dessalines l’avait d’abord proclamée le premier et seul empire des Amériques ; noir, bien sûr. Une Amérique qui a connu la plus grande extermination de peuples, une Amérique qui était la plus grande convoitise des puissances de l'Europe. Dans un monde où le noir était chosifié et où nous sommes arrivés, Africains et enchainés. Nous avons combattu. Nous nous sommes libérés et, à la face du monde, nous avons rendu hommage aux victimes du génocide amérindien et fait naître ce qu’il y avait de plus beau et de plus inspirant dans le monde : un empire de liberté. Oui, un empire créé par d’anciens esclaves. Et, ceci, à la barbe des tout-puissants du monde entier. Voilà ce que nos anciens bourreaux s’obstinent à nous enlever. Et les révisionnistes se font leurs complices.

Le terme république renvoie à un statut acceptable par les Occidentaux. Ils récupèrent notre belle révolution et l’intègrent dans leur lexique. De nos jours, dire que nous sommes la première république, même noire, n’établit aucune différence entre ce qu’a réalisé Dessalines et les différentes républiques qui prendront naissance avec l’indépendance octroyée à certains pays d’Afrique, plus d’un siècle après la nôtre, gagnée aux fronts. Noter bien que la France était à peine devenue une république quand Dessalines a été proclamé Empereur par les généraux, le 2 septembre 1804. Exemple que curieusement, Napoléon suivra trois mois plus tard en se faisant également nommer empereur. Dans le contexte de l’époque, le coup d’État de Pétion a rétrogradé le pays au statut de république. Il faut se rappeler, en effet, qu’à ce moment-là, la république peinait à prendre pied en France, alors que dans toute l’Europe régnaient des monarchies. Voilà pourquoi, dans le nord, Christophe est allé se créer un royaume, s’inspirant du modèle anglais et tirant les leçons de l’expérience de Dessalines. Mais les révisionnistes préfèreront le titre de Général pour Dessalines alors qu’il mourut, assassiné et Empereur.

N’en déplaise aux révisionnistes, en 1804, nous avons fait sonner le glas du système esclavagiste. Nous avons ouvert, sous le leadership du grand Jacques 1er, une ère nouvelle pour l’humanité, et accouché d’Ayiti. Pas en 1806, pas avec la constitution de 1816 et pas en tant que république, mais en tant qu’Empire !

Et puisque Dessalines nous a hissés à cette hauteur, nous sommes et resterons, envers et contre tout, les premiers.

Assassinats par la plume :

De la même façon qu’au XVIIe siècle, l’inquisition a tenté de cacher la vérité de Galilée, depuis la révolution haïtienne qui a bouleversé l’ordre mondial, pour mieux éclipser Dessalines, il fallait inventer le titre de génie précurseur à Toussaint et de roi bâtisseur à Christophe. En feignant d’oublier que l’expérience du premier avait modelé l’Empereur et que les accomplissements du deuxième faisaient honneur à sa vision.

L’histoire d’Haïti est tumultueuse et complexe, mais comme l’a dit Mao : « l’histoire n’est pas une ligne droite, elle évolue en spirale ». La vie de l’Empereur elle-même en est un exemple : d’esclave à soldat, de soldat à officier, d’officier dans l’armée française au grade de général, de général à gouverneur, de gouverneur à empereur. Tout ce qu’il fut, tout ce qu’il a été, et tout ce qu’il a fait, nous ont conduit vers l’indépendance, vers ce que nous sommes devenus comme peuple. L’analyse de cette histoire ne peut se faire sur la base d’actes isolés, pris hors contextes, car alors, notre compréhension devient partielle et peut même servir à dénigrer notre expérience, à défaire nos héros, à les assassiner par la plume. Un art développé à l’école de Moreau de St. Rémy, de Coriolan Ardouin et d’Alain Turnier.

Tandis qu’ils font passer Dessalines et Christophe pour des criminels, voilà comment Alain Turnier, dans son ouvrage « Quand la nation demande des comptes », décrit Pétion, le tombeur de Dessalines : « … revenu dans les rangs de l’expédition française, il dirigea le bombardement de la Crête-à-Pierrot… quand il se rendit compte que l’objectif du corps expéditionnaire était l’anéantissement de ses frères, il fit défection et se joignit à Dessalines pour la conquête de l’indépendance.» En d’autres termes, Pétion, revenu rétablir l’esclavage avec le corps expéditionnaire, est sur la ligne de front en train de bombarder un fort défendu par Dessalines. Mais finalement, par vertu, il aurait pris conscience qu’il bombardait ses frères ? La réalité était que Pétion, ayant découvert que Napoléon réservait la mort et l’exil aux mulâtres, a changé de camp.

Pour parfaire le beau tableau de son « grand humaniste, moral et consciencieux », Alain Turnier, tout de suite après, nous dit : « Pétion était sans rancune et de nature généreuse ».

S’agissant de Christophe par contre, l’écrivain Eddy Cavé, à la page 320 de son livre « Extermination des Pères fondateurs et pratiques d’exclusion », cite le livre d’Émile Élie, dans des pages retrouvées, publiées par Michel Soukar. Il y présente Henry Christophe comme un voleur et un assassin recherché à St Thomas pour avoir poignardé une de ses maîtresses. Plus loin, il nous dit : « Ce survol de la première tranche de la vie du futur roi est beaucoup plus vraisemblable que la légende qui en fait, à 12 ans, un tambour au siège de Savannah. » Eddy Cavé admet que rien n’est sûr de la version qu’il présente, mais avoue la préférer à celle qui fait de Christophe une légende. Les nègres de maison doivent encore être en train de frémir. Trop content de lui-même, ne voulant pas mettre fin à son plaisir, l’ami Eddy, nous raconte sa motivation. Et je cite : « … il permet de sortir notre héros des hauteurs de la légende pour le restituer à l’histoire. » À quelle histoire ? Pourquoi vouloir faire ce sale boulot ?

Et pour parachever la déconstruction de Christophe, il écrit :

« Sensible aux honneurs, obnubilé par les fastes de la monarchie et les flatteries des courtisans… » Voilà qu’on reproche à un monarque les pratiques qui caractérisent la plupart des monarchies du monde entier. Soit Eddy Cavé ne lui reconnait pas sa qualité de souverain de l’époque, soit il voudrait l’emmener à titre posthume devant la cour internationale de justice pour n’avoir pas été un bon démocrate. Le genre de position qui donne droit à des entrevues sur RFI.

Voilà ce que ces compatriotes historiens veulent faire passer pour vérité historique.

Pourtant, après la trahison de Pétion dont il est rapporté par certains historiens qu’il serait complice, Christophe est allé poursuivre le rêve et la politique de Dessalines dans le nord où il a bâti un royaume. Les vestiges de ses réalisations y sont encore présents. Il a construit un État où payer une dette de l’indépendance était inconcevable : le chantage de la France s’est en effet heurté à un refus catégorique de sa part. Les rumeurs font même planer quelques doutes sur le sort que Christophe aurait réservé au messager.

Les gens du Nord ont acquis depuis cette période, une réputation de « nèg arrogant, snob, fyè, frekan ». Éduqués et fiers, voilà les caractéristiques qui leur sont encore attribuées. Cette réputation n’est pas étrangère au fait que la population du Nord a été sans doute plus éduquée, l’éducation ayant été obligatoire et gratuite dans le royaume de Christophe alors que dans le Sud dirigé par Rigaud et dans l’Ouest de Pétion, les masses n’avaient pas accès à l’éducation.

Un article soumis à AlterPresse en 2015, « Mentalité d’esclave et régime politico-économique », par Lesly Péan, fait de Dessalines et Christophe des fusilleurs/tueurs en série, sans donner de contexte. Se basant sur une lettre de Louverture, fils de Toussaint, également sans contexte, l’auteur de l’article qualifie certains actes du Général Dessalines de bassesses face à Leclerc et l’accuse d’avoir trahi Toussaint Louverture. Cependant, une analyse honnête de cet épisode montre clairement qu’en fait, c’est Toussaint Louverture qui avait abandonné la lutte, et se croyant Français, s’était rendu à Leclerc. Boisrond Tonnerre a lui-même documenté l’épisode dans son ouvrage « Mémoire pour servir à l’histoire d’Haïti » en nous disant et je cite : « Vous voyez, leur dit Dessalines, le général en chef court à sa perte ; voulez-vous l’imiter ou, comme moi, périr les armes à la main ? Il ne nous reste que deux partis à prendre, de rentrer à Saint-Marc ou de mourir libres. A Saint-Marc nous attendent l’ignominie et la mort, ici nous mourrons libres, mais avec l’honneur. » S’adressant à un nombre limité d’officiers, Dessalines avait même considéré, pour la sécurité de Toussaint, l’arrêter et le confiner dans les mornes sous la surveillance d’un garde, « en attendant que le sort des armes décida si le pays devrait rester aux Français ; tous l’approuvent. » Éviter de se livrer à l’ennemi pour pouvoir ensuite se battre contre lui constituerait donc une trahison ? Alors même que l’assassinat de l’empereur n’est pas traité comme tel ? Au contraire, ils nous disent que cela n’aurait pas pu se passer autrement : « Sa pat ka fini lòt jan ».

Dans son article, Lesly Péan semble désapprouver le mulâtrisme du gouvernement de Lescot, qu’il qualifie « d’aussi éculé », que le noirisme d’Estimé a suivi. Mais, en fait, c’est le « noirisme » qu’il critique et condamne. Je cite : « Le matraquage de la pensée noiriste duvaliériste dans les têtes de la jeunesse avec les fausses informations sur “l’idéal dessalinien qui a provoqué bien des délires et accouché du désastre que vit Haïti. Un désastre dont nous sommes tous prisonniers depuis 1946… »

Voilà un intellectuel haïtien qui nous dit que l’idéal de Dessalines et la prise en compte des intérêts des noirs par Estimé, après plus de 140 ans de pouvoir mulâtre, constituent la source de nos malheurs ! Sans commentaires.

On peut cependant souligner les deux points suivants :

1. Vu la nécessité qu’il peut ressentir à se prouver, le mulâtriste noir est souvent plus excessif dans ses prises de position.

2. Outre le support de la « communauté internationale », on peut compter beaucoup plus de noirs qui sont clairement mulâtristes en Haïti que de mulâtres et de personnes d’ascendance arabe. Les minorités mulâtres et arabes n’auraient pas pu contrôler et garder le pouvoir économique et politique aussi longtemps, sans l’adhésion et la collaboration de certains noirs qu’ils utilisent comme façade.

Ce qui est décevant chez ces écrivains, c’est leur mépris à l’égard de notre histoire peu banale et des héros qui en ont été les acteurs. On a l’impression qu’aujourd’hui, en Haïti, le statut d’intellectuel est lié à la capacité de dénigrer Haïti. Car, comment comprendre que l’économiste le plus en vue soit celui qui a écrit un livre intitulé : « Haïti a choisi d’être pauvre » ?

Il y a une volonté manifeste de discréditer le pays et ses héros autant au niveau international qu’au niveau national. Ainsi, ils vous font haïr Duvalier et font ensuite un amalgame en l’associant à Dessalines, pour susciter la diabolisation maximale et la même haine, ou tout au moins le dégout inconscient pour ce dernier. Et pour neutraliser ses accomplissements, certains vont jusqu’à dire que nous nous sommes libérés trop tôt.

Les plus astucieux font l’éloge de Dessalines comme grand général, mais le condamnent comme gestionnaire et remettent en question sa légitimité de grand chef d’État, dans le seul but de justifier son assassinat, l’avènement de leur république, et passer sous silence toute une vision.

C’est tout cela l’assassinat par la plume.

Le visionnaire

« Nous devons faire le serment de lutter jusqu’au dernier soupir pour l’indépen